Dans son récit autobiographique, Tout bouge autour de moi, Dany Laferrière parle de la folie en Haïti en des termes très semblables à ce qui se passe chez nous. Le fou fait partie intégrante de la société, il n'est pas étranger. Ne vous attendez cependant pas à une analyse de l'extrait suivant:
"Les problèmes de santé mentale sont en bas de la liste des maladies courantes - de toute façon la folie n'est pas considérée comme une maladie, mais comme un mauvais coup du destin. C'est consolant de savoir que dans les pays pauvres, on n'exclut pas les fous. Ils occupent leur fonction de fou avec le droit de faire le fou. Par contre, dans les pays plus fortunés où ils reçoivent des soins particuliers, le fou est mis à part. Il n'a aucune fonction sociale. Il fait honte. On le cache. Il disparaît de la circulation, souvent du jour au lendemain. Pour ne réapparaître que si on le juge apte à singer les autres. En Haïti, on se moque brutalement de vos angoisses. Il arrive toutefois que ce traitement de choc soit bénéfique pour certains d'entre eux. Ceux qui ne tiennent pas la route sont tassés sur le bord du chemin. Et la foule continue d'avancer. Le mot "traumatisme" revient ces jours-ci dans la bouche des spécialistes internationaux en pensant à ceux qui ont vécu le tremblement de terre. Bien sûr qu'une pareille situation nécessiterait des soins attentifs, mais les gens accepteront-ils de recevoir ces soins? Il est difficile d'envisager le traitement d'une maladie qui est niée par la population comme par la personne concernée. La seule chose reconnue ici comme étant un inconfort c'est une douleur aiguë et dont l'intensité ne baisse pas depuis trois jours." (D. Laferrière, Tout bouge autour de moi, Paris, Grasset, 2011: 164-165).
La folie est un thème très présent en littérature comme en philosophie. De l'Eloge de la folie au fou du roi, du discours scatologique au burlesque d'Ubu roi, la folie sert de paravent à l'exposé de la vérité. Un écrivain peut utiliser le fou pour critiquer la société et en dresser un tableau catastrophique ou comique. Il peut y recourir pour livrer des réalités ou mettre à nu des drames politiques qu'il ne saurait que camoufler sous peine de prison. Bref la folie explique l'inexplicable. Pour ma part, j'aime les fous prédicateurs ģde fin du monde ou animateurs de forums politiques. "Sébastien c'est fou" fut il y a longtemps le titre d'une émission comique et glamour de de TF1 qui me divertissait énormément du temps de mes études. Patrick Sébastien est demeuré jusqu'à ce jour un fou, rien de plus. Du personnage à l'individu, je n'ai jamais fait de différence. De l'un à l'autre souvent le pas est vite franchi. La folie relève fondamentalement d'un comportement (collectif ou individuel) pour faire face aux vicissitudes de ce monde qui s'effondre. Elle rend possible un langage interdit par les canons communément acceptés. Folie ou alternative à la décadence de la raison et de la vie.
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