19 oct. 2020

La pauvreté: un destin pour l'Afrique?

Tout semble indiquer que le mot Afrique rime avec pauvreté, misère, précarité, besoin, nécessité, etc. à tel point qu'il est inconcevable de tenir un autre discours sur ce continent et ses peuples. Télévisions, journaux, médias et films diffusent ces images d'une Afrique à jamais enlisée dans la pauvreté. Tout le monde, même les Africains eux-mêmes, trouve ce stéréotype normal. 

Permettez que je remonte à un épisode anodin mais assez significatif vécu en 1977. Grand séminariste à Mayidi, j'effectuais mon ministère pascal à la paroisse de Fatundu lorsqu'un jour, le Père Antoine Gessler SVD qui y était en visite de repos, me dit: "Tu crois qu'il n'y a pas de fleuve ni de forêt en Europe. La rivière Wamba et la forêt qui l'entoure ne servent à rien. En Allemagne la Forêt Noire est une source de revenus touristiques et économiques." Je parodie certes ses paroles, mais son message retentit encore à mes oreilles. Il repartit pour Bandundu avec le Père Meffert et son équipe de construction. L'eau, la terre, la forêt, il faut les transformer pour les rendre rentables, sources d'enrichissement. Tel était le message du curé de Nto-Luzingu, Bandundu, de l’époque.

Le vénérable missionnaire voulait en fait me dire que pour évoluer, il faut se passer de l'état naturel et privilégier l'esprit de la manufacture. Un citron tourné en limonade et vendu au marché crée de l'emploi, de l'indépendance et de l'inspiration pour ses producteurs. Plutôt que de servir de terrain  d'extraction, donc de la cueillette, il vaut mieux transformer ce produit en bien de consommation économique. En fait, c'est la rhétorique de l'Occident ainsi que tous les préjugés idéologiques et racistes qu’elle véhicule En d'autres termes: "Vous Africains êtes pauvres par votre propre faute: vous vous contentez de l'éphémère au lieu de veiller à l'inaltérable." L'immédiateté dans laquelle l'Africain a évolué ne lui a jamais laissé le temps de prendre du recul ni de décoller industriellement. L'Africain se laisse exploiter parce qu'il est fasciné par la puissance du maître esclavagiste, colonisateur et ses épigones. L'Européen paternaliste et eurocentrique ne lui laissera jamais le moyen de penser à sa libération ni de se développer. L’Européen étouffe le rêve de l’Africain en le maintenant dans son hégémonie. Il a même mission de le civiliser, de le rendre humain et artisan car, vivant dans une primitivité proche du singe, il n'est pas doué pour les sciences ni pour les techniques élaborées. L'école est devenue le moyen le plus efficace pour le mater et lui imposer sa manière de penser et de voir le monde. Colonisation mentale par une fascination magique. Le Blanc européen se montre supérieur au Noir parce qu'il maîtrise l’arme à feu et les lois de l'univers, parce qu’il rationalise son approche du monde. Il ne permettra jamais que le Noir atteigne son niveau intellectuel, mental ou moral. Il faut le maintenir dans la dépendance, dans l'émerveillement vis-à-vis de son maître à penser. Tous les moyens sont mis à profit pour pérenniser cet état des choses.

A l'indépendance, les fameux conseillers de nouveaux présidents africains formatés comme des traitres noirs qui ont pris la place des colonisateurs, ont tissé pour l’Afrique un monde complètement soumis à l'emprise de l'Occident. Là justement se trouve le vrai problème. Néocolonialisme! Avant la colonisation égale après la colonisation. Rien n'a changé au niveau mental. Or justement, il est presqu'impossible de changer une mentalité. On nous a mis dans la tête que nos ancêtres les Gaullois étaient un peuple fort qui a réussi à se libérer de l'emprise des Romains. Nous tenons à perpétuer la grandeur de notre peuple, c'est-à-dire de nos ascendants colonisateurs. Etre pauvre, c'est notre nature. Et pour l'Afrique christianisée, rien de mieux de répéter la lecon de nos maîtres. La pauvreté colle à la peau de l'Afrique, et on n'y peut rien. Rien? Nous ne sommes pas responsables de ce qui nous arrive. La pauvreté est inscrite dans notre destin. D’où la ruée vers les eldorados de l’Occident et de l’Orient.

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