Dans l'entrée précédente, j'ai parlé de l'idée de réparation pour l'esclavage et le génocide endurés par les peuples de la Caraïbe. En effet, à l'ouverture du colloque Senghor Sir Hilary Beckles en a parlé. Il nous avait encouragés à explorer cette piste quoique la perspective initiale du colloque ait été différente, traditionnelle au sens classique du terme. C'est aussi cela la richesse des colloques: on offre des réflexions, on reçoit et on s'enricht des idées des autres.
Pour ma part, je dois le reconnaître, je n'avais jamais entendu de "réparation" avant ce jour-là. L'idée qui pourtant déjà existait depuis le Nigérian Abiola, a entretemps fait son chemin. Des conférences et des ateliers s'organisent à tous les niveaux, sur tous les continents pour évoquer l'idée de réparation, cette fois étendue à tout le monde africain esclavagisé ou colonisé. L'Afrique a été dépouillé de ses hommes et de ses richesses naturelles. A la fin de l'esclavage, les esclavagistes ont bénéficié d'énormes compensations pour les pertes causées par ce changement de l'histoire. Haïti en acquérant son indépendance a été sommé de payer à la France une dette équivalant à 17 milliards d'euros. Le constat évident est que les esclavagistes ont bénéficié sur toute la ligne de réparations de leurs pertes, sans rien perdre en réalité. Les seuls perdants jusqu'à ce jour, ce sont les esclaves, leurs ascendants africains et leurs descendants antillais. Ce qui est curieux, c'est que Caribéens et Africains ont des conceptions différentes de cette réparation. Cela s'explique vraisemblablement par une différence de perception de l'esclavage vécu en amont comme en aval. En fait, ils utilisent les mêmes mots ou expressions mais n'entendent pas dire la même chose, ni transmettre le même message.
Dans son livre Britain's Black Debt. Reparations for Caribbean Slavery and Native Genocide (UWI Press, 2013), Hilary Beckles analyse cette réalité, dénonce l'injustice et expose avec des preuves d'archives comment les banques, les exploitants des plantations et des usines de sucre ont honteusement accumulé des capitaux à la suite de la suppression de l'esclavage. Une honte dans l'histoire de l'empire britanique qui touche jusqu'à la famille royale:
" These figures present a glimpse of Britain's pillage of the African population at the height of its reign of terror. But the data available speak to England's nearly three million Africans in the period between 1690 and 1807." (p. 93).
(Ces figures présent une idée du pillage par la Grande Bretagne de la population à la hauteur de son règne de terreur. Mais les données disponibles parlent de plus ou moins trois millions Africains d'Angleterre dans la période entre 1690 et 1807).
L'idée a fait du chemin. Les historiens des Antilles comme des hommes politiques de tout bord soutiennent cette idée. Des universités anglaises, américaines et caribéennes collaborent à des projets de recherche pour que justice soit rendue en connaissance des faits et causes. L'UWI coopère avec l'University de Glasgow pour élaborer un Masters in Reparatory Justice, offert conjointement par les deux universités. Comme les premiers se feront à Cave Hill, le département d'histoire et philosophie et l'unité des études postgraduées participent intensément à ce projet qui commencera en septembre 2021. Nous sommes en train de discuter le curriculum, la répartition des cours entre les deux entités académiques ainsi que la logistique d'appui. Mais bien entendu, l'idée est partie du bureau du Vice-Chancellier qui n'est autre Hilary Beckels. Chapeau!
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