17 oct. 2020

L'héritage

En Afrique, le problème de l'héritage relève aussi bien du droit civil que du droit coutumier. La pratique réelle varie selon les pays, les lieux et les tribus. Il y a des peuples où la lettre testamentaire est respectée alors que, dans la plupart des cas, ce sont des us et coutumes issus d'un temps immémorial qui sont en vigueur. Les peuples des pasteurs lèguent des cheptels à leurs descendants, tandis que les paysans lèguent des champs et forêts à leurs progénitures. En principe seulement, mais les bouleversements sociaux que l'économie du marché a introduits ont tout remis en question, en suscitant des attitudes jadis inconnues ou inédites, étrangères à nos traditions. Ajoutez à la liste: usurpations de droit,  impostures fallacieuses, détournements de biens, falsifications des documents, forfaits de toutes sortes. Au final, les héritiers légaux ou naturels sont dépouillés de leurs avoirs en biens ou en valeurs bancaires. Et que fait la justice dans cela? Rien. 
Le code de la famille n'est que voeu pieux. A la mort de son mari, une mère de famille est jetée sans ménagement à la rue avec ses enfants. La parcelle et la maison sont pris par les frères ou les soeurs du feu mari. Un ami dont la mort était annoncée, mais qui n'est pas mort, était surpris, à son retour d'Afrique du Sud, de voir ses maisons distribuées entre ses oncles et frères, ne laissant qu'une maison à ses enfants, excluant sa femme de l'héritage. C'est lui-même qui me l'a dit. Les usurpations de droit sont fréquentes entre les parents germains. Une parcelle àccordée à des soeurs voit une cousine s'interposer au nom de la solidarité africaine au détriment des vrais bénéficiaires. Je parle des cas vécus, et je peux mettre des noms. Beaucoup de familles se pavanent de brandir des propriétés détournées, pour lesquelles elles n'ont jamais dépensé un sou. A Kinshasa Bandalungwa, un monsieur n'a trouvé mieux que de falsifier les documents parcellaires de son beau-frère muté pour l'intérieur du pays. Impossible pour ce dernier de récupérer son bien au profit de ses enfants. Et il est mort sans que le différend soit résolu. Aucun remords, aucun repentir, aucun souci d'avoir commis un forfait ou un crime odieux de la part des voleurs. L'héritage est souvent bradé en faveur d'imposteurs, au détriment de ceux et celles auxquels il doit revenir. Ce problème est connu de tous les Africains sub-sahariens. La justice africaine n'a jamais réussi à le régler, selon ce que j'entends ou lis. L'Afrique de la Teranga et de la solidarité familiale a désormais perdu ses valeurs fondamentales sur tous les plans.
Imaginez la situation dramatique des femmes seules ou sans enfants. Ces femmes ont souvent vu leur mariage brisé, abandonnées et humiliées par leurs maris plus préoccupés de progénitures. Certaines ont été obligées de supporter que leurs époux prennent une deuxième femme ou engendrent des enfants hors-mariage. Une situation douloureuse pour ces femmes frappées par le sort ou la malédiction.  La logique en vigueur stipule qu'un mariage sans enfants est nul. (Souvenez-vous de Mobutu expliquant le mariage de Mama Yemo avec son père). Et souvent dans cette société phallocratique, la faute est imputée à la femme stérile, quand bien même elle ne le serait pas en réalité. Certains hommes n'ont pas eu de meilleure chance. Les femmes sans enfants prennent souvent la charge des bâtards de leurs maris, des enfants de leurs soeurs ou frères, à défaut d'en adopter. Certaines s'en sortent bien. D'autres pas, elles regrettent ce geste au vu de l'ingratitude que ces enfants manifestent téléguidés par l'avarice et la cupidité de leurs parents biologiques. Elles sont souvent traitées de sorcières, d'ensorceleuses, ou de criminelles par leurs propres soeurs, frères ou familles. A leur mort, étant donné qu'elles n'ont pas écrit de testament ni réglé leur succession - n'ayant personne à présenter - leur héritage tant envié des leurs est bradé, détourné au profit de ces mêmes ingrats, fussent-ils parents, maris, soeurs, nièces ou neveux. Cela s'est vu, cela se voit, cela se verra encore.
L'héritage, un sujet douloureux et conflictuel. La justice n'existe pas ou n'est pas proprement appliquée. 
  
  

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